Une étude du ministère de l’Environnement présentée le 20 juillet constate qu’en Guadeloupe la crise de l’eau est « grave et sérieuse ». L’annonce ne surprendra personne, car le problème dure depuis plus de 30 ans et affecte l’ensemble de l’archipel.
Pour distribuer 25 millions de m3 d’eau potable aux 400 000 habitants de Guadeloupe et aux 500 000 touristes annuels, plus de 60 millions de m3 d’eau potable sont produits sans pour autant assurer une distribution permanente à tous les usagers.
Pour pallier au réseau de distribution défectueux, la population est contrainte d’accepter des coupures organisées en « tour d’eau. » Ce système est censé alimenter les communes en alternance et permettre aux habitants d’organiser leur vie en fonction de l’heure des coupures, qui durent en moyenne 12 à 24 heures. S’ajoutent aussi les coupures imprévisibles et injustifiées, dans certaines zones très touchées.
Un rapport accablant
Le constat établi par un rapport d’audit du ministère de l’Environnement, présenté le 20 juillet 2018 aux élus, opérateurs de l’eau et délégations d’usagers, souligne l’urgence de la situation et les incohérences. « Cette crise n’est pas le fruit d’une insuffisance de la ressource en eau, mais la conséquence d’une situation globalement dégradée », dit le texte, pointant les équipements obsolètes, la multiplicité des « propriétaires du réseau » et surtout le flou autour des responsabilités de gestion qui « constituent des freins majeurs à sa modernisation. » D’autant que les budgets des opérateurs et collectivités en charge sont « exsangues », diminué par des dépenses de fonctionnement élevées.
Une population en souffrance
De plus, « il n’y a pas toujours de séparation des organigrammes entre eau et assainissement ou entre autorités organisatrices et régie », indique le rapport qui pointe un personnel « aux compétences inégales.»
La population souffre et le fait savoir en refusant de payer des factures incompréhensibles. Ou encore sur les réseaux sociaux, avec des commentaires acerbes à chaque signalement d’incident technique ou de coupure. Au quotidien, il faut constamment penser à stocker des bouteilles d’eau.
Pour ne rien arranger des problèmes récents de pollution de l’eau, épisodiquement impropre à la consommation, notamment en Basse-Terre. « Cela devient un sujet de santé publique, et la proportion de gens sans eau augmente », constate le préfet de Guadeloupe, Philippe Gustin, qui prend le pilotage du dossier, avec la Région et le Département, même si « cela ne relève pas de la compétence de l’Etat.»
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Le Plan d’Actions Prioritaires (PAP)
Depuis plusieurs années sont à l’œuvre en Guadeloupe des mesures de rétablissement de la capacité d’alimentation en eau. Le PAP prévoit 71 millions d’euros d’investissements sur les années 2018 et 2019.
Pour rappel, l’objectif du PAP est de mettre progressivement fin aux tours d’eau et aux pénuries observées dans certains secteurs. Les fonds engagés concerneront principalement les opérations, dites de niveau 1, présentent des gages solides d’efficacité.
Le cofinancement de l’État
L’enveloppe globale dédiée à ces opérations dans le PAP s’élève à 38,2 millions d’euros. Celles-ci concernent prioritairement le renouvellement des canalisations pour 26,4 millions d’euros. Le solde de l’enveloppe est dédié à des investissements directement liés à l’outil de production de l’eau (7,5 millions d’euros) et à des opérations d’aménagement (4,5 millions d’euros) permettant l’acheminement d’eau d’une zone excédentaire vers une zone déficitaire.
Sur l’ensemble de ces opérations, la contribution de l’État s’élève à ce jour à 7,7 millions d’euros dont 2,8 millions d’euros engagés sur 2018 et 4,9 millions d’euros programmés sur 2019.
Application du PAP par la Région
Les mesures retenues (mi-année) :
-Renouvellement de 7 km réseaux d’eau potable à Gourbeyre ;
-Renouvellement partiel du FEEDER de Vernou, sur la commune de Baie-Mahault Gourbeyre ;
-Sécurisation du système de distribution à Fond Cacao, sur la commune de Capesterre Belle-Eau Gourbeyre ;
-Renouvellement de 15 km de canalisations sur Capesterre Belle-Eau ;
-Séparation des étages de distribution de Caraque et de Grands-Fonds Gosier ;
-Réhabilitation du réservoir de Leroux avec piquage sur BEC et surpresseur adduction, surpresseur et canalisations de distribution ;
-Renouvellement de 5 km fonte grise entre Basse-Terre et Saint-Claude ;
-Sécurisation des captages de Trou à Diable et de Beaugendre (Bouillante / vieux-Habitants).
L’ensemble des opérations en maîtrise d’ouvrage Région du plan d’actions prioritaires représente 36,3 millions d’€.
Par ailleurs, dans le cadre des travaux d’aménagement du lycée de Richeval à Morne-à-l’Eau : renouvellement des réseaux d’eau potable et d’eaux usées du secteur. La réception des travaux est prévue pour la rentrée scolaire.
Sur les systèmes de récupération d’eau de pluie destinés aux particuliers, 415 dispositifs ont été mis en œuvre depuis le début de l’année.
Ces objectifs ne pourront être atteints qu’à la condition d’engager des investissements conciliant la résolution des situations les plus urgentes. Au total, 600 millions seraient nécessaires pour réparer durablement l’outil hydraulique guadeloupéen. « Notre feuille de route, c’est d’ici 18 à 24 mois, de diminuer drastiquement les coupures d’eau », affirme le préfet.
Sources :
Préfecture de Guadeloupe
Région Guadeloupe
Science Avenir
AFP
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