L’exposition raconte l’histoire de près de trente mille femmes, hommes et enfants, venus d’Afrique, d’Océanie, d’Asie, des Amériques et parfois d’Europe, qui ont été exhibés en Occident entre 1810 et 1940. Ils ont été vus par plus d’un milliard de visiteurs. « Zoos humains, L’invention du sauvage », présentée au Mémorial ACTe jusqu’au 30 décembre 2018.
Relire notre article : Antilles, investissements hasardeux selon le magazine Capital
L’exposition « Zoos humains, L’invention du sauvage » met en lumière l’histoire d’hommes, de femmes et d’enfants exhibés en Occident et ailleurs, dans des cirques, des cabarets, des foires, des zoos, des villages itinérants ou des expositions universelles et coloniales. Les « zoos humains » ont été le premier lieu de rencontre avec l’Autre ; ils ont été un élément déterminant dans le passage, au XIXe siècle, d’un racisme dit « scientifique » à un racisme « populaire ». La frontière entre les Occidentaux et le reste du monde, perçu alors comme « non-civilisé », s’est alors fixée dans les consciences et dans les certitudes.
La science pour justifier la barbarie
« Nous autres antillais sommes davantage familiarisés avec le premier âge colonial
fondé sur l’esclavage et sur une exploitation des ressources du territoire. Le second
âge, lui, affiche clairement ses intentions : apporter la civilisation à des sociétés
considérées comme moins avancées.
Pour légitimer cet objectif, il faut élaborer une doctrine : celle de l’existence de races prétendument inférieures (voir en ce sens l’essai de Gobineau sur l’inégalité des races humaines). Et comme il faut convaincre tant les habitants des pays colonisateurs que le monde entier, les tenants de cette thèse vont s’employer à administrer la preuve visant à souligner la différence de « l’Autre », de se moquer de ses traits morphologiques, de le donner en pâture aussi comme dans un vulgaire spectacle de foire: ainsi, naissaient les expositions coloniales, les exhibitions et les zoos humains !
Relire notre article : Lucile la voix d’une esclave qui demande justice
Mais il n’a pas suffi de montrer l’Autre (l’innommable) dans sa différence. Il a fallu aussi nourrir les imaginaires toujours friands d’exotisme et d’esprit d’aventure. Et c’est là que la littérature a pris le relai avec des romanciers soulignant l’opposition entre un monde de civilisation et celui de ceux qui « n’avaient inventé ni la poudre ni la boussole, ceux qui n’avaient exploré ni les mers ni le ciel… », pour paraphraser Aimé Césaire.
Alors on se mettait à croire à cette propagande coloniale, lors même que ces écrivains dressaient un portrait caricatural des Noirs et de l’Afrique. Alors on bâtissait une fiction africaine. […] Cette histoire-là méritait d’être contée » discours d’inauguration de Georges Brédent commission culture à la Région.
Relire notre article : Les temps forts des 170 ans de l’Abolition de l’Esclavage
L’exposition Zoos humains
On y découvre notamment comment s’est forgée une vision stéréotypée des ultramarins dans les expositions coloniales ou universelles : sur-folklorisation des populations antillaises, présence quasi-exclusive des femmes figurant en habit traditionnel, valorisation des Antillais par rapport aux Africains présentés comme « sauvages », tout comme les Kali’na de Guyane ou les Kanaks de Nouvelle-Calédonie. De nombreux événements autour de l’exposition apporteront des éclairages supplémentaires sur l’histoire des exhibitions humaines.
Comprendre que le phénomène des « zoos humains », c’est comprendre que les discriminations et le racisme ont une histoire, que tout cela est socialement construit et que l’on peut, c’est essentiel, les déconstruire aujourd’hui en travaillant sur ce passé et ces imaginaires.
Commissaires d’exposition général Lilian Thuram et scientifique Pascal Blanchard.
Sources : À l’époque des zoos humains, CNRS Journal
Memorial ACTe