La surveillance et l’étude des effets sanitaires des pesticides nécessitent une bonne connaissance des usages passés afin de prévenir les risques professionnels, sanitaires et environnementaux liés à l’utilisation des produits phytosanitaires. En effet, avec les milliers de substances actives commercialisées, les professionnels de l’agriculture (exploitants, salariés) sont rarement capables de retracer avec exactitude la liste des produits et substances actives qu’ils ont pu utiliser au cours de leur activité. Pourtant en France, il n’existe pas à ce jour de bases de données ou de registres historiques permettant d’évaluer avec précisions les expositions des agriculteurs aux pesticides.

Matphyto…Quésaco ?!

au lieu d’une approche par substance, le projet privilégie une approche par culture pour mieux appréhender la connaissance des expositions

Matphyto a pour objectif de développer des matrices cultures-expositions (MCE) qui décrivent le suivi et l’évolutions de l’utilisation des produits phytosanitaires pour chacune des principales cultures agricoles françaises. Ces matrices décriront l’utilisation des différents types de produits phytosanitaires (Herbicides, Insecticides, Fongicides…), déclinés par grandes familles chimiques (phythormones de synthèse, organophosphorés…) et substances actives spécifiques.

Ainsi, au lieu d’une approche par substance, le projet privilégie une approche par culture pour mieux appréhender la connaissance des expositions tout au long de la carrière professionnelle des utilisateurs. L’identification des exploitations agricoles ainsi que les fréquences et les quantités de produits et substances chimiques ayant été utilisées dans les sols et sur les cultures au cours de l’activité agricole constituent des sources d’informations essentielles à la surveillance épidémiologique, la veille sanitaire et la reconnaissance des maladies professionnelles.


L’agriculture tient une place importante dans l’économie et l’emploi de nos territoires. Outre l’arboriculture, le maraîchage, les cultures vivrières, on constate que deux cultures prépondérantes recouvrent la majeure partie des surfaces cultivées : la banane et la canne à sucre. En raison de leur importante consommation en produits phytosanitaires, le programme Matphyto a donc été étendu aux départements de la Guadeloupe, de la Martinique ainsi qu’à celui de La Réunion depuis décembre 2014.

Matphyto dans les Antilles françaises

Le projet tient compte des cultures spécifiques de la Guadeloupe et de la Martinique. Les usages phytosanitaires de la banane sont étudiés prioritairement étant donnée l’importance de cette filière dans le contexte agricole des Antilles. Ce projet s’inscrit dans la seconde phase du Plan Chlordécone II, consistant à favoriser une approche de prévention du risque sanitaire et de protection des populations grâce à la réduction de l’exposition. Il prévoit également une reconstitution de l’historique des expositions sur les surfaces étudiées.

En deuxième lieu, les usages phytosanitaires de la canne à sucre et des cultures de diversification (cultures maraîchères, ananas, etc.) seront également étudiés. Pour chaque culture, une matrice est élaborée. Chaque matrice liste l’ensemble des familles chimiques et, quand l’information est disponible, les substances actives représentatives des produits phytosanitaires ayant été utilisés au cours des 50 dernières années.

Les matrices sont réalisées à partir de différentes sources bibliographiques d’intérêts et avec l’aide d’expert des cultures étudiées, tels que :

  • les coopératives agricoles (Les Producteurs de Banane de Guadeloupe)
  • les instituts techniques (Institut Technique Tropical)
  • les centres de recherche (Institut National de Recherche Agronomique)
  • les institutions publiques (Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt, Office de l’eau)

Le CHLORDÉCONE dans le collimateur

Le chlordécone est un pesticide organochloré utilisé entre 1973 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe comme insecticide dans la culture de la banane. Son utilisation a entraîné une pollution permanente des sols et des eaux et une contamination toujours présente de la chaîne alimentaire et de la population. Considéré comme neurotoxique, reprotoxique, perturbateur endocrinien et cancérogène depuis 1979, il est le sujet d’une préoccupation locale et nationale importante. Trois  plans nationaux chlordécone  (2008-2010, 2011-2013 puis 2014-2020) ont été lancés pour identifier et mettre en œuvre des actions utiles contre ce fléau et améliorer la coordination des acteurs locaux. L’un des volets de ces plans concerne l’amélioration des connaissances sur les effets sur la santé, avec un intérêt particulier pour la population des travailleurs, ayant été exposés à des niveaux non négligeables de chlordécone.

La surveillance épidémiologique des travailleurs exposés

La base de données comportera pour chaque sujet de la cohorte des informations sur les parcours professionnels, les tailles des exploitations et les postes de travail des salariés pour identifier l’origine des décès et alimenter l’étude des causes de mortalité chez ces derniers. Ces éléments utiles pour l’évaluation des conséquences dues à l’exposition au chlordécone et aux autres produits phytosanitaires seront enrichis par l’apport de la matrice culture-exposition construite dans le cadre de Matphyto aux Antilles et contribueront à faire avancer la recherche.

À terme le fruit de ce partenariat entre l’Unité 1085 de l’Inserm et Santé publique France, permettra de s’appuyer sur les études menées sur le terrain afin d’isoler et de déterminer les données supplémentaires permettant d’identifier les cas de cancer parmi les individus exposés. Les données recueillies seront mises en corrélation avec les informations issues des registres des cancers avant d’être intégrées à la base de données. Ainsi en reconstituant rétrospectivement une cohorte de chefs d’exploitations et de salariés agricoles ayant travaillé entre 1973 et 1993 dans une exploitation bananière, il sera possible d’initier efficacement une surveillance épidémiologique de la population Martiniquaise et Guadeloupéenne.

1 COMMENTAIRE

Les commentaires sont fermés.